J’ai avalé mon histoire comme j’ai mangé la tienne, Poète, Sculpteur ou Peintre d’éternité au présent… Quel repas, dis-tu, avons-nous partagé ? À quand, et avec qui , le prochain ? On verra... On lira ... | Marie-Thérèse PEYRIN - Janvier 2015

François CHENG

ETAT DES YEUX | TEMPS 1 | Sur le chemin...

 

Ne laisse en ce lieu, passant

Ni les trésors de ton corps

Ni les dons de ton esprit

Mais quelques traces de pas

 

Afin qu'un jour le grand vent

A ton rythme s'initie

A ton silence, à ton cri,

Et fixe enfin ton chemin

 

 

François CHENG

 

Vidéo Winfried VEIT bientôt diffusée

Film de Raymond LIVROZET sur le peintre Winfried VEIT (2013 )

Sera probablement présenté au public en mai 2014

 

A toi, Winfried, qui t'intéresses davantage au mystère de la survie des êtres fragiles comme les libellules, qu'aux frasques humaines que tu qualifies de sempiternelles dans l'erreur de se croire au centre de l'univers.  Tu ne manges pas de viande, chaque hiver tu nourris les oiseaux au bord de tes fenêtres avec des graines de tournesol. Tu t'affaires, tu peins, sculptes et dessines dans une vieille usine au toit fragile ( Lui aussi... ). Tu te méfies des mots, des mots intraduisibles, de leur accumulation, de leurs double-fonds qui les rendent interprétables à perte, jusqu'au conflit qui est leur mauvaise pente fatale et banalement  habituelle. Tu les utilises pourtant, tu aimes jouer avec leurs sons, leurs étymologies, tu les lances en l'air comme des couleurs vers une toile ou une entaille de sculpteur, un peu pour voir comment ils retombent entre toi et les autres.  Tu te sens féministe et très admiratif de la femme, avec le sentiment d'avoir été exclu de la capacité de la défendre ( de la garder ?). Tu ne comprends pas toujours pourquoi tu ne la comprends pas comme elle le voudrait, et en particulier lorsqu'elle te renvoie une image de toi déformée par les reproches habituels d'inattention, d'inaptitude à la garder à la distance qu'elle souhaite : tout près du coeur, de l'esprit et du corps. Tu ne retrouves plus le vocabulaire magique de la séduction et tu remarques que son temps d'effet est trop court. Tout être humain t'approchant se heurte à un rival de taille qui est ton besoin de solitude et de retrait des affaires courantes dont tu as fait le tour, et qui t'ont rendu dubitatif. Mais ce n'est pas toujours vrai. Tes rires et ton humour si singuliers sont des trêves au seuil de chaque relation où tu sembles  si impliqué dans le désir de ne pas faire de différence entre le passé, le présent et le futur. Tu as un vif sentiment de ta place cosmique dans l'espace transitoire de ton grand atelier. Tu n'as pas d'exigence narcissique, tu prends ce qui vient à toi sans trop trier et tu n'as jamais l'impression d'être à la hauteur. Tu flottes. Tu t'interroges sur les raisons de la chute de l'Ange et je cherche pour toi dans les livres des explications. Les anges n'existent pas, les libellules , si. La double paire d'ailes est peut-être l'explication de son panache. Les insectes se préparent longtemps à avoir une vie somptueuse mais très courte. La beauté efficace et apparemment gratuite de leur vol est peut-être notre plus grande jalousie d'humains terre-à-terre, calculateurs et  bêtement belliqueux.

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